Le Moyen-Age et la soif de l'or
La ruée vers l'or qui a secoué l'histoire de l'Ouest américain n'est pas un monopole du XIXème siècle. Dès l'antiquité, les mines d'or et d'argent sont exploitées dans une grande partie de l'Europe : de la Grèce à l'Hispanie, en passant par la Gaule, plusieurs centaines de sites d'orpaillage, rivières et exploitations minières, datées du XIIème avant l'ère chrétienne au Vème siècle de l'ère chrétienne ont été mis au jour par les archéologues. Mais, après plusieurs siècles d'exploitation, certains filons sont épuisés. D'autres, éviter de voir cette ressource utilisée pour enrichir Rome, sont abandonnés et oubliés par les peuplades soumises. A la fin de l'Empire romain, les rendements ont très fortement diminués et l'Europe tombe en pénurie d'or.
L'instabilité sociale et économique qui marque le haut Moyen-Age entraîne peu d'investissement dans les opérations de recherche et d'extraction de métal précieux. Si Charlemagne parvient à conquérir les régions aurifères de la Saxe, les royaumes Francs préfèrent l'utilisation de l'argent pour battre leur monnaie : ce métal était en effet plus répandu et sa production plus régulière que l'or.
Lorsque les Arabes font main basse sur l'Espagne et le sud-ouest de la France, ils en profitent pour rouvrir certaines mines d'or, mais leur production est principalement exportée vers le Moyen-Orient. Au XIIIème siècle, la production d'argent demeure stable, mais est de plus en plus demandée : les systèmes bancaires, utilisés pour financer les croisades, sont très consommateurs de métal précieux. Par ailleurs, les Arabes et les Byzantins continuent à employer l'or dans leurs négociations commerciales.
Plusieurs cités d'Italie prennent alors le partie de réintroduire des monnaies en or. Le florin, pièce de 3,5g d'or, est battu à Florence en 1252 par la corporation des changeurs et banquiers. A Gênes, c'est le genovini, pièce en or du même poids que le florin, qui est battu la même année. Cette monnaie permet la thésaurisation, tandis que la monnaie d'argent est réservée au commerce. Cette mesure permet de remettre en circulation une masse d'argent importante jusqu'alors détenue dans les coffres.
Tour à tour, d'autres royaumes prennent des mesures similaire : en France, le denier à l'écu (abrégé en écu) de 4g d'or est frappé en 1266. A Venise, c'est le ducat d'or (3,5g) qui voit le jour en 1282. La remise en circulation de monnaies d'or en Europe relance l'économie, mais aussi la production minière. Lorsque, vers la fin du XIVème siècle, la production d'argent en provenance de l'Europe de l'Est est menacée par la grande peste, c'est l'ouverture des coffres et la mise en circulation de pièces d'or qui vient stabiliser l'économie.
Mais, au fil des siècles, la production se déplace de plus en plus vers l'est : Afrique du Nord, Europe Centrale, Moyen-Orient, puis Asie. On recherche de plus en plus loin le précieux métal jaune. Au bas Moyen-Age, l'or est principalement extrait dans des régions éloignées des grandes monarchies de l'Europe de l'Ouest : en Afrique, au Ghana, Mali, Soudan et Nigeria (les royaumes de Wangara, sous domination Arabe), et en Bohême, menacée par l'avancée des Turcs. Et, si les techniques d'extraction ont progressées, elles n'en restent pas moins artisanales.
L'Europe du XVème siècle a soif d'or : tandis que le salaire d'un manouvrier reste aux alentours de 7 deniers par jour de travail, le prix du pain noir est doublé en 50 ans, passant de 0,5 à 1 dernier la livre, le vin est à 2 deniers la pinte, le kilo de blé passe à 10 deniers à la fin du siècle. Il n'y a pas assez de pièces en circulation pour pouvoir payer les marchandises, les mines n'extraient plus suffisamment de métal pour pouvoir battre toute la monnaie nécessaire à l'économie européenne.
La menace de l'avancée des Turcs pèse sur la possibilité pour l'Europe d'obtenir des métaux précieux. A la veille de la Renaissance, les Portugais se lancent sur les mers et découvrent les mines d'or du Soudan. Ils font main basse sur le commerce d'or transsaharien mis en place par les Arabes et recueillent de précieuses informations sur les exploitations aurifères d'Afrique noire. L'Espagne veut lui emboîter le pas et lance des expéditions vers l'Ouest, espérant trouver la route de l'or venant d'Asie, les fameuses cités d'or contées par Marco Polo que l'on sait se trouver dans la mythique Cathay. Bientôt, les Conquistadores reviendront avec des galions chargés de l'or du Mexique et du Pérou.