Les Marlet tirent la Bête le 01/05/1765
La découverte récente à la BNF d'une source corroborant cet évènement mérite qu'on s'y attarde : le 1er mai 1765, la Bête du Gévaudan est tirée près de la demeure des sieurs Marlet de La Chaumette, paroisse de Saint-Alban. Les Marlet sont trois frères : l'ainé, à qui appartient le domaine, un second qui est ecclésiastique, et un troisième dont on ne sait rien.
Quatre lettres nous relatent les faits. Pour l'exhaustivité de cette étude, je les présente en bas de cette page et j'invite le lecteur qui ne connaît pas ces documents à les lire en premier lieu.
Il existe une cinquième lettre, rédigée par Lafont le 4 mai et envoyée à M. de Saint-Priest, mais elle ne donne pas d'informations supplémentaires par rapport aux correspondances ci-dessus. Je ne la conserve donc pas dans le cadre de cette étude. Le lecteur désireux d'en prendre connaissance peut cependant la retrouver dans le chronodoc d'Alain Bonet.
Deux cartes d'époque (Cassini) permet également de situer l'action (cliquez pour les voir en grand) :
Ventuejols est l'ancien nom de Venteuges. Pépinet (victime le 2 mai 1765) se trouve en direction de La-Besseyre-Saint-Mary.
Concordance des textes
Pour commencer cette analyse, je tente de rassembler ci-dessous les éléments corroborant le détail de l'aventure, tels que les différents documents nous les présentent :
Element | Lettre Lafont frère | Lettre d'Enneval fils | Lettre Morangiès | le Courrier |
0 | | Les d'Enneval lancent une chasse le 30 avril. La journée est pluvieuse et il y a de la neige à mi-jambe. | | Les d'Enneval organisent une battue de 56 paroisses à 6 lieues (environ 25km) autour du Malzieu. Il y a de la neige à mi-jambe. La Bête parait au soir à des chasseurs de Saugues, tandis qu'ils sont en train de rentrer chez eux. On la tire et on la poursuit, mais la nuit tombe, le fauve se réfugie dans les bois de Servières. |
1 | Le 1er mai à 6h du soir : M. Marlet, l'aîné, voit depuis sa fenêtre un animal qu'il croit être la Bête à 250 pas, près d'un berger de 15 ans qui gardait son troupeau. | Le 1er mai, les d'Enneval font battre les bois de Saint-Alban et "les rochers" de Prunières. A 7h du soir, la Bête est vue par M. Marlet, l'ainé, depuis sa fenêtre. D'après lui, elle attendait de bondir sur son vacher. | Le 1er mai, les Marlet voient la Bête depuis leurs fenêtres. | Le 1er mai, les d'Enneval découvrent la piste de la Bête dans les bois de Rechauve. Le même jour, celle-ci trouve refuge dans les bois de la Chaumette. |
2 | Les 3 frères Marlet sortent de la maison, armés chacun d'un fusil. Celui de l'ainé est à deux coups : un chargé avec un lingot, l'autre avec 3 balles. | Le frère cadet prend son fusil pour accompagner son aîné. | | |
3 | La Bête se lève et marche à découvert vers un pâturage. | | | |
4 | L'aîné et le cadet vont s'embusquer sur une hauteur, puis celui qui est ecclésiastique entre dans le pâturage où se trouve la Bête. | L'ainé et le cadet vont s'embusquer devant le bois de La Chaumette. | Les Marlet courent par des chemins différents au passage de la Bête. | |
5 | L'ecclésiastique marche vers la Bête pour la pousser vers ses frères embusqués. | | | |
6 | La Bête prend un autre chemin, mais tombe sur 3 personnes et file finalement en direction des tireurs. | A l'approche de l'abbé, la Bête part doucement pour entrer dans les bois. | | |
7 | Le cadet tire en premier, à 67 pas de distance (42m). | L'ainé tire à balles à 52 pas de distance. | Les Marlet lâchent deux coups de fusil qui atteignent la Bête. | |
8 | La Bête est abattue, elle se roule deux trois fois avant de se relever. | La Bête tombe. | | |
9 | L'aîné, qui s'est approché pendant ce temps, tire à balles à 52 pas de distance (32m). | Le cadet tire à lingot à 67 pas en se relevant. | | |
10 | La Bête tombe contre un rocher, se relève brusquement et va se protéger derrière un arbre qui empêche l'ainé de tirer son second coup. | La Bête tombe à nouveau, puis recule dans les bois. | | |
11 | La Bête s'enfuit en perdant beaucoup de sang, prenant le chemin de la descente. | Les Marlet suivent la Bête dans les bois, elle perd beaucoup de sang. | La Bête perd une très grande quantité de sang. | |
12 | François Roche de Chinchaze la voit essayant de prendre une montée, mais qu'elle n'y arrive pas et fait demi-tour. | François Roche voit la Bête et dit qu'elle a le cou tout en sang. | Un paysan du voisinage la rencontre, elle peut à peine se trainer. | |
13 | On suit la Bête jusqu'à 9h du soir. La nuit oblige les Marlet et ceux qui les accompagnent à arrêter la chasse. | Ils suivent la Bête, mais la nuit avance et les recherches deviennent inutiles. | On suit la Bête jusqu'à la nuit. | |
14 | Les premières traces de sang que l'on voit sont aperçues à 50 pas de l'endroit où elle a été tirée (31m). | | | |
15 | Le sang de la Bête jaillit du côté droit à environ 3 pieds (1m) de la piste. | | | |
16 | Le sang de la Bête jaillit avec autant d'abondance que celui d'un cheval qu'on a saigné au col. Les rochers en sont teints. | | | |
17 | | | | |
18 | Le lendemain, plusieurs groupes de chasseurs se réunissent : ceux du comte de Morangiès, ceux de Beaucaire et des d'Enneval. | La pluie tombe très fort, les d'Enneval ne peuvent arriver que le lendemain à l'aube. Ils trouvent les Marlet avec beaucoup de paysans et de chiens de parc, en train de suivre la piste de la Bête. | | |
19 | Les d'Enneval trouvent la piste de sang et celle de la Bête, que M. d'Enneval décide être la même que celle qu'il chassait. | | | |
20 | D'Enneval rend compte et indique avoir trouvé du sang à onze endroits différents, mais ne peut en trouver dans l'herbe. | D'Enneval père trouve du sang en dix endroits différents, mais les branches où la Bête est passée n'en sont pas teintes : pour lui, elle doit être blessée sous la gorge ou sous le poitrail. | | |
21 | | Les d'Enneval marchent jusqu'aux bois de Saint-Denis et d'Apcher et les font battre. Il continue à grêler et neiger. La chasse cesse à 6h du soir. | | La battue des d'Enneval dure toute la journée, dans la neige et les giboulées. |
22 | L'aîné assure que la bête qu'il a tirée la veille n'a qu'un faible rapport avec les loups. | | | |
23 | L'aîné dit la Bête exactement comme elle est dans le portrait édité par Duhamel. | | | |
24 | L'aîné dit avoir tiré de profil au défaut de l'épaule, le coup longeant le cou de la Bête sur le côté droit. | | | |
25 | Le cadet a tiré au travers du corps, mais sans savoir où le coup a porté. | | | |
26 | "On" a vu la Bête avec le cou ensanglanté. | | | |
27 | | Les d'Enneval apprennent qu'un homme s'est fait attaquer par un très gros animal dans la soirée, à Pouges, paroisse de Fontans. Ils veulent s'y rendre le lendemain, mais la pluie et la grêle leur en empêche. | Le 2 mai, arrivant à Saugues, Morangiès apprend la mort d'une femme d'une cinquantaine d'années à Venteuges. | Le 2 mai, une femme de 33 ans, de la paroisse de Venteuges, est dévorée. |
La chronologie
Riche de ces enseignements, comme je l'ai fait pour la chasse du marquis d'Apcher, nous pouvons établir la chronologie des événements.
Mercredi 30 avril
Dans la première quinzaine d'avril, la Bête est vue aux alentours de Saint-Alban et de Fontans. Cependant, le 18, elle a attaqué à Paulhac et, le 22, au Malzieu. Les d'Enneval ont donc décidé d'organiser une grande battue, qui rassemble 56 villages autour du Montchauvet, sans doute entre Paulhac, Servières, Chanaleilles, Lajo et Prunières.
Sur les endroits qui sont à l'ombre, sans doute la neige de l'hiver n'a-t-elle pas encore fondu et en a-t-on jusqu'au genou. Il pleut et la chasse ne donne rien. On renvoie les chasseurs chez eux. Sur la route du retour vers Saugues, plusieurs d'entre-eux aperçoivent l'animal. Ils le tirent, mais la nuit vient bientôt. Fin avril, début mai, elle tombe vers 7h du soir (heure locale, aujourd'hui 21h) par beau temps. La Bête a trouvé refuge dans les bois de Servières, à 3 lieues de Venteuges. On ne peut la poursuivre.
Jeudi 1er mai
- Dans la journée : un piquier des d'Enneval découvre les traces de la Bête dans les bois de la Rechauve, le long de la Truyère, au sud de Prunières. Les chasseurs normands y font battre les bois et arrivent sur place, mais on n'y découvre rien.
- 6h du soir (heure locale, 20h de nos jours) : le temps est exécrable, le jour décline rapidement. A l'heure où l'on ne distingue le chien du loup, M. Marlet de la Chaumette regarde l'un de ses bergers par la fenêtre. A faible distance de là, il aperçoit un animal qu'il prend pour la Bête. Il appelle ses frères, prend les fusils. A cette époque, on ne les garde pas chargés, sinon la poudre fait long feu et est inefficace. Disons qu'il faut un quart d'heure pour rassembler les frères, charger les armes et convenir d'un plan. A ce stade, je pense que l'abbé n'est pas armé, malgré ce que dit dans sa lettre le frère de Lafont.
- 6h15 du soir : les frères Marlet sortent de leur demeure de La Chaumette. La terre est délavée par la pluie qui tombe depuis plusieurs jours et la fonte des neiges, il faudra un moment pour parcourir les 300m qui les séparent de la position de tir. L'aîné et le cadet se dirigent sur une hauteur qui surplombe le pâturage où la Bête a été repérée, aux abords des bois de La Chaumette. Pendant ce temps, le puiné se dirige vers la Bête pour la rabattre sur les chasseurs.
- 6h30 du soir : les deux tireurs sont enfin en position. Le frère ecclésiastique pousse la Bête vers eux. Elle file d'abord dans le mauvais sens, mais rencontre trois drôles, étonnés de voir un abbé courir après l'animal. Ce dernier fait demi-tour et part vers les tireurs.
- 6h35 du soir : la Bête se présente aux tireurs. Le cadet tire en premier. Son lingot touche l'animal, qui s'effondre, a des soubresauts dus au choc, mais se remet sur ses pattes. Le lingot a-t-il blessé l'animal ? Malgré le pouvoir perforant du projectile, on peut en douter. Les fusils de chasse de cette époque, bien chargés, permettent d'obtenir une vitesse initiale d'environ 350m/s. Mais le temps est très humide et la poudre n'est pas assez efficace pour donner une telle vitesse initiale ce jour-là à l'arme du cadet. A plus de 40m, sans doute cette vitesse n'est-elle déjà plus suffisante pour permettre au projectile de pénétrer la peau. En revanche, l'animal, lancé dans sa course, a sans doute été déséquilibré par le coup et c'est ainsi qu'il a été projeté au sol et a roulé sur lui-même avant de se remettre sur ses pattes et se remettre à courir.
- L'aîné, qui s'est rapproché entre temps, tire à son tour. Ses balles font mouche. Il est plus proche et, sans doute meilleur tireur que son frère, il sait où il faut viser pour abattre un fauve : là où les plombs peuvent pénétrer jusqu'aux organes vitaux, sans risque de toucher un os. Cet endroit se situe approximativement au niveau de la clavicule, entre le cou et l'épaule. La Bête s'effondre une nouvelle fois, contre un rocher. L'aîné conserve son second coup au cas où elle se relèverai à nouveau. D'un coup, la Bête bondit de son rocher derrière un arbre. Elle l'utilise pour se protéger et se sauver.
- 6h40 du soir : la Bête est trop affaiblie par le coup qu'elle a pris pour gravir la côte. Elle est aperçue par François Roche, le cou maculé le sang. Si l'on en croit le déroulement de la battue du lendemain, elle choisit certainement à ce moment de redescendre vers la Limagnole et Saint-Denis, c'est-à-dire au sud-ouest de La Chaumette.
- 8h du soir : pendant près d'une heure et demie, les Marlet et quelques drôles qui les ont rejoints ont tenté de suivre la piste de l'animal blessé. Celui-ci a effectivement perdu du sang et on peut suivre sa trace pendant un moment. Mais il faut remettre les recherches au lendemain car, dans les bois, par une nuit sans lune, il fait tout à fait noir. Rentré à La Chaumette, le frère aîné écrit pour prévenir les chasseurs normands qui ont battu les bois de Prunières ce jour, il est 10h lorsque le courrier quitte La Chaumette.
- Minuit : les d'Enneval, revenus au Malzieu, sont prévenus de l'incident de La Chaumette. Mais il est trop tard pour organiser quelque chose avant la journée du lendemain.
Vendredi 2 mai
- 5h30 du matin (heure locale, 7h30 de nos jours) : peu après le levé du jour, les Marlet préviennent le consul du village, qui envoie des hommes chercher du renfort à Saint-Alban.
- 8h du matin : A Saint-Alban, on trouve des hommes au comte de Morangiès et également les chasseurs qui ont battu les bois de Prunières la veille. On les prie de venir à La Chaumette en leur expliquant l'incident de la veille. Pendant ce temps, au Malzieu, les d'Enneval rassemblent quelques hommes et se mettent en route également pour La Chaumette.
- 9h du matin : les chasseurs de Saint-Alban arrivent avec quelques chiens de parc à La Chaumette. On les dispose de façon à battre le bois de La Chaumette, ce qu'ils commencent à faire, sous une pluie battante. La piste de l'animal blessé la veille est retrouvée. On dirige tout le monde dans la direction de Saint-Denis, que la Bête semble avoir prise.
- 10h30 du matin : les d'Enneval arrivent à leur tour à La Chaumette. De là, on les redirige vers la route de Saint-Denis, où ils trouvent les Marlet. Ceux-ci quittent temporairement la battue en cours pour revenir sur leurs pas et montrer aux louvetiers normands les traces de l'animal qu'ils ont blessé la veille.
- 11h du matin : D'Enneval père a emporté avec lui un de ses chiens de limier et constate effectivement les traces de sang. Il remarque cependant que celle-ci sont proches du sol, mais jamais en hauteur. Il en conclut que l'animal est blessé au cou ou au poitrail, ce que les Marlet savaient déjà. D'Enneval montre aux Marlet le "portrait-robot" de la Bête. Ceux-ci ne l'ont pas bien vue la veille dans la pénombre. Elle ne ressemblait que vaguement à ce dessin d'enfant, mais faute de mieux, ils confirment que c'est probablement cette bête là qu'ils ont tirée. Après-tout, ils n'ont pas fait déranger tout ce monde pour un chien de parc qu'ils auraient pris pour la Bête. Joint au portrait, il y a la description du fauve faite par Duhamel. Les Marlet la lisent, font une moue, et confirme qu'il peut s'agir de l'animal qu'ils ont vu. Face à leurs hésitation perceptible, d'Enneval père décide pour eux que, oui, c'était bien la Bête.
- 12h : tout le monde revient à la battue. On est déjà proche de Saint-Denis, mais la Bête n'a toujours pas été retrouvée. D'Enneval père donne l'ordre que l'on fasse battre les bois qui bordent la paroisse dans l'après-midi.
- 6h du soir : tous les chasseurs sont revenus à Saint-Denis. Ils n'ont rien trouvé. Et pour cause, au même moment, une femme se fait attaquer par la Bête bien loin de là, à 8 ou 9 lieues (près de 40km), à Venteuges.
Constatations
Il faut remarquer, dès le début de l'incident de La Chaumette, que l'aîné des Marlet voit un animal qu'il croit être la Bête (voir élément 1), à proximité d'un berger. C'est un des deux d'Enneval, très certainement le père, qui décide que l'animal blessé est bien la Bête (élément 19). Cela signifie-t-il qu'on n'a pas demandé aux Marlet de décrire eux-mêmes l'animal, mais qu'on a exhibé le "portrait-robot" dressé par Duhamel, auquel était joint une description sommaire, sous leurs yeux en leur demandant si c'était bien cela qu'ils avaient vu ?
Marlet de la Chaumette dit que la Bête est bien en tout point ressemblante (élément 23), je pense qu'il n'en a aucune certitude. Peut être a-t-il un doute. Après tout, il pleuvait, il faisait presque nuit. Même à une trentaine de mètres, comment être sûr ? Devant son indécision, c'est d'Enneval qui tranche. De là part la rumeur et les courriers qui seront écrits le lendemain : M. de la Chaumette a tiré la Bête du Gévaudan et l'a sérieusement blessée.
L'a-t-il d'ailleurs si sérieusement blessée ? D'Enneval, pourtant chasseur émérite, retrouve du sang à une dizaine d'endroits différents (élément 20). C'est bien peu pour un animal qui est dit "perdant du sang comme un cheval saigné au col"… Sans doute le reste a-t-il été lavé par la pluie. Mais il doit également y avoir une bonne part d'exagération dans le témoignage des Marlet. Il fallait bien remonter le moral d'un peuple qui souffrait depuis déjà plusieurs mois.
Epilogue
Nous l'avons vu, la Bête attaque dès le 2 mai à Pépinet, paroisse de Venteuges. Si l'on recoupe ces informations avec les attaques précédentes autour de Paulhac et du Malzieu, la Bête qui est tirée le 30 avril à Servières et qui se réfugie dans les bois de la paroisse, je pense qu'elle n'a jamais quitté ce secteur pour se rendre le 1er mai autour de Saint-Alban.
D'ailleurs, les témoignages des jours suivants ne font pas mention d'une Bête avec un cou ensanglanté ou une faiblesse quelconque, séquelles du tir de Marlet de la Chaumette. Quand bien même la pluie aurait lavé son pelage, un animal ne peut que difficilement se lécher à cet endroit, le sang coagulé devait pouvoir se voir plusieurs jours de suite.
Enfin, il faut remarquer que le fameux coup de fusil qui a failli saigner à blanc la bête de Marlet de la Chaumette n'a pas été retrouvé sur la Bête tuée par M. Antoine, ni sur celle tuée par Jean Chastel.
Conclusions
Difficile donc de savoir ce que les Marlet ont véritablement tiré en ce 1er jour de mai. Beaucoup de monde était nerveux ces derniers temps dans les environs, la battue dans les bois de Servières n'a pas dû apaiser les esprits. J'ai de sérieux doutes qu'il s'agisse effectivement de la Bête. Pourquoi pas le chien de parc que le berger de M. de la Chaumette emmenait avec lui ? Auquel cas, lorsque l'abbé a tenté d'envoyer le chien sur ses frères, le berger a dû être abasourdi par la scène… On peut imaginer la tête des frères Marlet lorsque, rentrant à la demeure après 1h30 de battue au soir du 1er mai, ils apprennent de la bouche de l'abbé qu'ils ont tué un des chiens de parc du village.
Mais cette hypothèse ne tient pas la route. Dans ce cas, les Marlet n'auraient pas fait venir des chasseurs de Saint-Alban le lendemain, ni fait prévenir dans la nuit les d'Enneval. Je pense que jusqu'au lendemain midi, ils devaient avoir un doute sur l'animal qu'ils avaient tiré.
Dans ce cas, pouvait-il s'agir d'un chien errant quelconque ? A en croire les témoignages d'époque, ils sont alors légion dans les montagnes de Margeride. D'ailleurs, la décision de les tuer pour les empoisonner et les transformer en appâts pour la Bête visait également à se débarrasser d'une population canine devenue problématique.
Faute de certitudes, la seule chose que nous ne pouvons voir dans l'incident de La Chaumette est l'annonce prophétique, en ce jour de la Saint Jeremie 1765, que la Bête allait recevoir un jour le coup de fusil fatal, délivré par un habitant du pays.
Les sources
Voici mot pour mot les textes décortiqués dans cette étude.
Le premier document est une correspondance du frère du syndic du Gévaudan, envoyée au-dit Lafont le 3 mai :
"Le mercredi premier mai à six heures et demie du soir, M. Marlet de la Chaumette, paroisse de Saint- Alban, vit d'une de ses fenêtres dans un pâturage éloigné de sa maison d'environ 250 pas dans lequel il y avait ses bêtes à cornes gardées par un berger, âgé d'environ 15 ans, un animal qu'il crut être la Bête féroce. Elle était assise sur ses pattes de derrière et regardait fixement le berger. M. de la Chaumette appela tout de suite ses deux frères dont l'un est un ecclésiastique. La Bête l'entendit, se leva, marchant à découvert dans le pâturage. Les trois frères sortirent au plus vite de leur maison, armés chacun d'un fusil dont ils savent très bien se servir, étant des chasseurs des plus renommés du pays; celui de M. de la Chaumette, l'aîné, était à deux coups, l'un des canons chargé d'un lingot et l'autre de trois balles. Ceux des deux autres étaient à un coup chargés d'un lingot chacun.
M. de la Chaumette, l'aîné, et son frère le laïque furent s'embusquer sur une hauteur au-dessus du pâturage. Lorsque l'ecclésiastique vit que ses frères avaient pris poste, il entra dans le pâturage, se mit à la poursuite de la Bête et chercha à la pousser vers eux. Elle prit néanmoins d'abord un chemin différent, mais un berger et deux paysans, qu'elle aperçut, la firent rétrograder et tomber entre les mains des tireurs. M. de la Chaumette, le cadet, lui tira le premier avec son lingot à 67 pas de distance. Il l'abattit sur le coup, elle se roula deux ou trois fois, ce qui donna le temps à monsieur son frère de franchir une broussaille et de lui tirer, dans le temps qu'elle se relevait, à 52 pas tous bien comptés. Son coup de fusil était celui du canon chargé de trois balles, à ce second coup la Bête tomba contre un rocher, se relevant brusquement elle fut donner contre un arbre qui la couvrit et empêcha M. de la Chaumette de lui tirer son second coup de fusil. Elle s'enfuit, répandant beaucoup de sang, prenant toujours la descente.
Le nommé Roche François, du lieu de Chinchaze, paroisse de Saint-Alban, vit qu'elle essaya une fois de prendre la montée, mais qu'elle n'en eut pas la force et qu'elle rétrograda. On la suivit jusqu'à 9 heures du soir. Les premières traces de sang qu'elle laissa furent aperçues à 50 pas de l'endroit où elle avait été tirée. Il jaillissait du côté droit à environ 3 pieds de la piste avec autant d'abondance que celui d'un cheval qu'on a saigné au col. Les rochers par où la Bête a passé en sont teints. La nuit obligea MM. de la Chaumette et autres personnes qui étaient avec eux, à se retirer et à renvoyer leurs recherches au lendemain.
Les gens de monsieur le comte de Morangiès, qui était absent, furent coucher chez M. de la Chaumette. Ils partirent tous, hier jeudi, de grand matin et furent joints par MM. d'Enneval, que le consul de Saint-Alban avait informé de ce qu'il venait d'arriver. Ces messieurs étaient encore accompagnés de la troupe de chasseurs de Beaucaire. Ils trouvèrent la piste de sang et celle de la Bête, que M. d'Enneval décida être la même que celle qu'il chassait. Il en a rendu compte à la Cour et a communiqué à M. de la Chaumette sa lettre dans laquelle il marque avoir trouvé du sang à onze endroits différents, n'ayant pas pu reconnaître celui qui s'était répandu sur le gazon.
Toutes ces circonstances et les talents de MM. de la Chaumette, qui sont l'élite des tireurs du pays semblent devoir nous flatter que Dieu aura voulu mettre un terme à nos malheurs; c'est ce que les suites feront connaître. M. de la Chaumette a tiré et tué une quantité de loups, il assure que la bête qu'il a tirée hier n'y a qu'un faible rapport. Il la dit exactement comme elle est dans le portrait qu'en fit tirer M. Duhamel: fière dans sa démarche, plus grosse qu'un veau d'un an, le devant extrêmement renforcé et bien levrettée sur le derrière, le museau pointu et allongé, l'oreille plus petite que celle d'un loup et droite, la gueule béante et d'une grandeur prodigieuse, une raie noire tout le long du dos, jusqu'à la naissance de la queue, qu'il dit telle qu'on nous l'a dépeinte si souvent. Il ne l'avait jamais vue, mais il m'a dit que sa grosseur la ferait distinguer sur toutes sortes de bêtes fauves connues dans le pays.
M. de la Chaumette lui en a tiré en profil au défaut de l'épaule, longeant sur le col du côté droit, monsieur son frère à travers du corps sans savoir positivement où a porté le coup. Celui de M. de la Chaumette marquait très bien, car on vit la Bête ayant le col ensanglanté. Il en est si sûr lui-même, qu'il croit que s'il n'y en a pas deux, l'on n'en entendra plus parler. Sa sécurité est fondée sur son savoir-faire qu'on ne peut pas révoquer en doute.
J'y ajoute d'autant plus de foi que ce monsieur est rempli de candeur et incapable d'en imposer. D'ailleurs, plusieurs autres personnes ont été témoins de ce que je viens de vous rapporter."
Le second document est une lettre de M. d'Enneval fils envoyée le même jour à l'intendant d'Alençon :
"Le 30 du mois passé, nous nous transportâmes à la pointe du jour pour faire exécuter la battue dont j'ai l'honneur de vous faire part, mais ce jour-là fut si pluvieux et nébuleux qu'il y avait de la neige jusqu'à mi-jambe dans la montagne de la Margeride, cependant cela n'empêcha pas les malheureux paysans de l'exécuter avec toute l'exactitude possible. Il y eut un fort gros animal de tiré de trois coups, mais nous ne nous sommes point aperçu qu'il ait été touché.
Le 1er mai, nos gens firent les bois de Saint-Alban et les rochers de Prunières et dans ces derniers détournèrent la Bête; nous n'eûmes pas le temps de les faire entourer par les tireurs. J'y lâchai trois chiens limiers qui la suivirent par le chemin qu'elle avait pris en sortant de ces bois et voyant qu'elle gagnait la montagne, je les rompis; mais le soir sur les 7 heures, elle fut vue par M. de Martel, seigneur de La Chaumette, qui était alors à la fenêtre de sa chambre.
La Bête, suivant son rapport, était assise sur son cul, regardant son vacher et attendant vraisemblablement le moment favorable de lui sauter dessus. Il cria à l'un de ses frères que la Bête était là tout près, qu'il prît son fusil et qu'il l'accompagnât pour prendre le devant du bois de La Chaumette, tandis que son frère l'abbé irait par-derrière la faire fuir de l'autre côté; tout ceci réussit à souhait. Aux approches de l'abbé, la Bête s'enfuit tout doucement pour entrer dans leur bois. M. de la Chaumette, l'aîné, la tira à 52 pas de distance d'un coup de fusil chargé à 3 balles, elle tomba au coup. Son second frère, M. Marlet, la tira à 67 pas en se relevant d'un coup de fusil chargé d'un lingot et la reculbuta; elle recula ensuite dans les bois où ils la suivirent et s'aperçurent qu'elle faisait beaucoup de sang; elle fut même vue par un paysan nommé François Roche qui s'en aperçut aussi. Il dit qu'elle avait le cou tout en sang. Ils la suivirent tous longtemps, croyant la trouver morte à peu de distance; mais voyant que la nuit avançait et que leurs recherches étaient inutiles, ils nous dépêchèrent un exprès à 10 heures du soir. La pluie tombait très fort et nous ne pûmes nous y rendre qu'à la pointe du jour, le lendemain matin, où nous trouvâmes ces messieurs avec beaucoup de paysans et de chiens de parc, qui la suivaient encore.
Mon père se fit conduire à l'endroit qu'elle avait été tirée et ayant pris un de ses meilleurs limiers à la Bête, le chien la lui ayant donnée tout de suite et le menant par monts et par vaux à travers bois et montagnes, où il trouva effectivement à dix endroits différents du sang, aux uns plus, aux autres moins, il ne s'aperçut point que les branches de la forêt par où la Bête passait en fussent teintes. Ce qui lui fit juger qu'elle ne pouvait être blessée que sous la gorge ou sous le poitrail.
Nous marchâmes de cette façon jusqu'aux bois de Saint-Denis et d'Apcher, qui furent battus par plus de deux cent paysans. La grêle et la neige ne discontinuaient point et nous fûmes obligés de nous en revenir infructueusement après avoir travaillé à pied depuis la pointe du jour jusqu'à 6 heures du soir, sans manger ni boire, et nous revînmes coucher à Saint-Alban, où en arrivant on nous rapporta qu'un très gros animal avait voulu, il n'y avait pas plus d'une heure, attaquer un berger ou son troupeau à Ponges, paroisse de Fontans.
Nous avions résolu d'y aller ce matin, mais il ne fait que grêler et pleuvoir. Il est venu de Provence ou du Languedoc plusieurs personnes qui se sont jointes à nous.
Nous comptons faire, lundi prochain, une battue de dix paroisses pour savoir ce qu'est devenue cette Bête. Le premier de ce mois, il y a eu encore une louve de tuée dans les bois de Saint-Denis qui elle était pleine de sept louveteaux.
Depuis ma lettre écrite, on vient de m'avertir que la Bête a tué hier, 2 du mois, une fille du lieu de Pépinet, paroisse de Ventuejols, proche de l'abbaye de Sainte-Marie, âgée de 40 ans. Mon père part dans le moment pour aller vérifier le fait. Ce pays est dans la consternation et le découragement.
J'ai l'honneur, etc."
Toujours en ce 3 mai, le comte de Morangiès envoie lui-aussi un courrier à Lafont :
"Mon premier soin en arrivant de Saugues est de vous apprendre Monsieur, les evenemens de ces jours passés.
Mercredi dernier au soir, le s[ieu]r Marlet de la Chalmette bourgeois de la parroisse de St. Alban et ses freres ayant apperçû de leurs fenètres la bete feroce, coururent par des chemins differens sur son passage en effet ils lui lacherent deux coups de fusil qui tous deux l'atteignirent; le fait ne sçauroit etre revoqué en doute puisqu'elle perdit une très grande quantité de sang à la trace duquel on la suivit jusqu'à la nuit qui se trouva malheureusement trop prochaine. Independamment de cette preuve de sa blessure un paisan du voisinage la rencontra qui pouvoit à peine se trainer, on eut beau le lendemain à la pointe du jour chercher à la retrouver tout fut inutile, Enfin Mrs. Denneval que l'on avoit eu soin de faire avertir arriverent et donnerent comme à leur ordinaire de jactance et de l'inutilité la plus desolante.
La raison pour laquelle on ne trouva point la Bete feroce malgré les grandes blessures qu'elle avoit reçu est funeste et malheureusement trop prouvée puisque me trouvant hier à Saugues chez M. d'Ombret, j'y vis arriver un exprès depeché par le curé de Ventuejols, pour apprendre le nouveau carnage fait par la Bete feroce qui à coupé le sifflet d'un seul coup de dent à une fille de cinquante ans passés qui gardoit les bestiaux autour d'un village de cette parroisse, cette pauvre victime se trouvoit cependant fort a portée de gens qui accoururent mais elle étoit dejà morte, le gosier ne fut que coupé et point emporté et d'un second coup de dent, le monstre enleva une joüe. C'est ainsi que cette histoire tragique nous fut racontée par un témoin qui se disoit occulaire. On à veillé inutilement autour du cadavre, ce matin les habitans de Saugues ont été à la chasse, mais il a fait un tems si affreux toute la journée dans ce pais la que je doute qu'ils ayent pû y resister longtems.
M. Denneval le pere est venu diner aujourd'huy avec mes soeurs, je suis arrivé chez moy au moment qu'il venoit d'en sortir. A la nouvelle du malheur arrivé dans la parroisse de Ventuejols, il n'a sçu prendre d'autre parti que celui d'envoyer un piqueur empoisonner le cadavre. Je n'en attends pas un grand succès.
Je suis trop voué à l'humanité et au patriotisme pour n'etre pas sensiblement affecté de la durée de ce cruel fleau et la chose me paroit trop interessante pour que je ne me croye pas obligé de dire la verité sur la conduite de Mrs. Denneval. Je ne vous en ferai cependant pas un detail qui pour le faire juste devroit etre si fort chargé d'imputations qu'il auroit l'air d'un libelle, mais il me suffira de vous assurer que toutes les parroisses du coté de Saugues ainsi que celles de ce canton cy, sont si indignées des mauvaises manoeuvres de ces chasseurs que je crains beaucoup que quand il les convoquera de nouveau les habitans refusent de marcher. Il est en effet rebutant pour un peuple qui ne trouve à vivre que dans un travail journalier d'etre employé des jours entiers à des chasses fort éloignées, penibles et toujours infructueuses par l'absurdité des projets et des mesures de ces Mrs. qui encore ont l'indécence de ne point payer de leurs personnes, de se refuser à l'exemple qu'ils doivent donner et de penser plutot à un gain sordide et que tout condamne, qu'a la reussite de leur mission. Le sort de notre malheureux pais se decide au Malzieu par ces avanturiers au milieu des pots et des verres et de concert avec tous les crapuleux de cette fole cité. J'en appelle aux informations que vous pouvez vous en procurer si vous voulez; cela crie vengeance et vous qui etes homme public etes obligé permettez moy de vous le dire de devoiler aux yeux des puissances l'effronterie de ces Normands, qui n'ont d'humain que la figure."
Enfin, le dernier document est plus tardif, puisqu'il s'agit d'une lettre du Malzieu datée du 11 mai et publiée dans le Courrier d'Avignon du 21 mai (soit, trois semaines après les faits) :
"La Bête féroce du Gevaudan continuë ses ravages, & l'on continuë à la chasser avec une ardeur & une industrie si dignes d'un heureux succès, & si propres à le procurer, qu'on ne peut assez s'étonner qu'elles ne puissent y parvenir. On écrit du Malzieu que M. M. d'Enneval toujours studieux à employer tous les moyens imaginables pour détruire cet animal carnassier, ordonnerent pour le 30. Avril, & exécuterent avec autant de sagacité que de prudence une chasse générale de cinquante-six Paroisses sur un plan qu'ils dresserent avec le secours des personnes orientées, & qui étoit si bien concerté que la Bête ne pouvoit échapper si elle se fût trouvée dans le vaste terrain qu'il renfermoit. Le rocher de la Garde auprès de la Croix de fer au-dessus des deux Villages de la Paroisse du Malzieu, étoit le centre & le rendez-vous de cette chasse; & les cinquante-six Paroisses commandées formoient un cercle dont les lignes aboûtissoient centralement audit rocher. Pour exécuter la chasse sur ce plan, les Paroisses les plus éloignées au nord, au midi, à l'orient, & à l'occident, partirent deux, trois, quatre heures avant les autres, se joignirent en battant leur terrain à celles qui étoient plus proches du centre, & parvinrent de tous les côtés au rendez-vous, après avoir battu plus de six lieuës en tirant par une ligne droite au centre, ce qui embrasse tout le terrain que la Bête a ordinairement parcouru depuis qu'elle a paru dans cette partie du Diocèse de Mende. Cependant par le jour le plus rude, & dans la neige jusqu'à demi jambe, les Chasseurs garderent leurs postes jusqu'à ce que le danger de perdre la vie par le froid qui les avoit saisis, les eut obligés d'abandonner la ligne centrale où ils étoient postés. Cet animal plus rusé qu'on ne peut le croire, ne parut que sur le soir à la rencontre des Chasseurs de Saugues qui s'en retournoient chez eux. On le tira, on le suivit; mais la nuit & le Bois de Serviere le déroberent à leur poursuite. Le 1er. Mai les Piqueurs de M. M. d'Enneval étant sortis de grand matin avec leurs chiens pour battre certains Bois de la Paroisse du Malzieu, découvrirent la voye de la Bête, en donnerent avis à M. M. d'Enneval, qui, accompagnés de la Bourgeoisie de ladite Paroisse, allerent investir le Bois de Rechauve, appartenant au Comte de Morangiès, où les chiens avoient indiqué la Bête, & où on avoit trouvé des traces de son passage. Le poste fut gardé jusqu'au soir; mais toujours sans succès. Le même jour la Bête s'étant réfugiée dans le Bois de la Chaumette, Paroisse de St. Alban, M. de la Chaumette lui tira deux coups de fusil, & la blessa. M. M. d'Enneval avertis de cette rencontre partirent à minuit avec les Bourgeois du Malzieu, & battirent environ six lieuës de chemin, guidés par la trace du sang qu'ils apperçurent dans plusieurs endroits; & cela pendant toute la journée du 2. Mai, dans la neige, à travers les frimats, les giboulées & la pluye, dans le tems que cette cruelle Bête, qui se multiplie ou qui vole, devoroit sur les trois heures du soir une fille de 33. ans dans la Paroisse de Ventuejols à trois quarts de lieuë de Saugues. Le Consul de l'endroit alla en donner avis le lendemain de grand matin à M. d'Enneval qui s'y rendit sur le champ pour infecter de poison le cadavre de cette fille, & le laisser exposé dans l'espérance d'empoisonner la Bête si elle revenoit à sa proye. C'est ainsi qu'on s'est souvent défait des Tyrans & d'autres Ennemis publics, trop rusés & en trop bon état de défense pour pouvoir exterminer à force ouverte."