EXPLORER L'HISTOIRE

La Réforme

La Réforme est un des événements majeurs de la Renaissance. Elle aura une grande influence sur la société européenne.

Les prémices et les premiers contestataires
La chrétienté du Moyen-Age tardif vit des heures sombres : les Turcs, après la chute de Constantinople en 1453, menacent les Balkans. La papauté elle-même est partagée entre deux ou trois papes, qui siègent à Rome ou à Avignon. Le Concile de Constance (1414-1418) dépose les papes concurrents pour un élire un nouveau. En Europe des voix s'élèvent : si un concile dépose un pape, n'est-ce pas un indice que Dieu ne lui a pas donné toute autorité sur l'église ?

Mais, outre les querelles politiques, la contestation trouve également ses origines dans l'étude des écritures saintes. L'universitaire anglais John Wyclif (1320 - 1384) estime que la Bible est la seule autorité incontestable. La hiérarchie ecclésiastique ne peut supplanter la puissance de la prédestination, reprenant en cela les idées émises avant lui par Saint-Augustin. Après qu'il ait dénoncé le luxe dans lequel nage l'église, et le pape, comme contraire au modèle mis en avant par le Christ, Wyclif commence la traduction en anglais de la Bible latine (Vulgate). Accusé d'hérésie, il sera condamné au bûcher.

Mais ses idées continueront à se répandre. L'universitaire tchèque Jan Hus (1369 - 1415) prend publiquement la défense des écrits de Wyclif, sans être aussi radical. Hus défend surtout l'idée de l'égalité de tous les croyants devant Dieu, remettant également en cause la hiérarchie ecclésiastique. Appelé à venir défendre ses thèses lors du Concile de Constance, Hus sera déclaré à son tour hérétique et brûlé vif.

Dans la seconde moitié du XVe siècle, la Reconquista redonne confiance en un pouvoir centralisé. De nouveaux projets voient le jour : la conquête de l'Afrique du Nord, la propagation de la foi en Europe de l'Est et dans les territoires nouvellement découverts en Amérique. Ces projets nécessitent un pouvoir fort, s'appuyant notamment sur les ordres religieux.

L'invention de l'imprimerie (1450) facilite la diffusion des idées : de Londres à Milan, de nombreux hommes ont appris à lire dans leur langue. Dans de nombreux diocèses, des évêques s'efforcent de mieux instruire leur clergé.

Martin Luther et la Réforme
Parmi ceux qui ont profité de ce renouveau pour l'instruction religieuse, Martin Luther (1483 - 1546), moine augustin allemand, fait un effort pour étudier la Bible dans son sens premier, dégagée des siècles de tradition ecclésiastique. C'est ainsi qu'il se rend compte que les textes sacrés prêchent moins la morale que la grâce. Pour lui, le salut de l'âme est un libre don de Dieu, un cadeau immérité.

Pour proclamer cette découverte qu'il vient de faire, Luther fait publier en 1517 95 thèses sur les indulgences, texte dans lequel il critique la vente d'indulgences*, le système de confessions et de pénitences mis en place dans l'église. Son seul but : lancer la discussion entre théologiens.

Mais la controverse se déchaîne à l'insu du Luther : en Europe, les princes sont de moins en moins enclins à obéir aux décisions de Rome. En Angleterre comme en Allemagne, on réclame une réforme de l'église. Les nobles regardent bien sûr vers les immenses richesses du clergé, mais aussi sur le contrôle des ordres militaires et sur le droit de pouvoir légiférer comme ils l'entendent sur leur domaine. A côté des nombreux disciples convaincus par la thèse de Luther, celle-ci donne l'occasion aux grands de mettre le feu aux poudres.

Luther est excommunié en 1520. C'est alors qu'il appelle les princes, à travers son manifeste A la noblesse allemande, à prendre en main la réforme de l'église, puisque le pape et sa hiérarchie s'y refusent. Il publie dans ce texte trois affirmations basée sur l'étude des textes sacrés : le pouvoir ecclésiastique n'est pas supérieur au pouvoir temporal, le pape n'est pas infaillible, le pape n'est pas le seul à pouvoir convoquer un concile. Il ajoute à ces affirmations tout un programme de réformes pratiques.

En 1521, l'édit de Worms met Luther au ban de l'Empire. Pris sous la protection de Frédéric de Saxe, il achèvera la traduction des évangiles en allemand, se mariera avec une moniale cistercienne, et surtout organise la Réforme : les villes libres du Sud de l'Allemagne, le Brandebourg, le Brunswick et l'Anhalt, suffisamment puissantes pour couper avec le pouvoir papal, adoptent une nouvelle liturgie en langue allemande. L'église luthérienne devient un organe contrôlé par l'Empereur et non rattaché au pouvoir de Rome.

De l'Allemagne, ce courant de Réforme se propage : Scandinavie, Islande, Suède, pays baltiques, Autriche, Bohême et Moravie. En 1525, Albert de Hohenzollern, grand maître de l'ordre des chevaliers teutoniques, se convertit au luthéranisme.

Ulrich Zwingli et les radicaux réformateurs
Curé de paroisse, aumônier militaire participant aux campagnes d'Italie, le Suisse Zwingli (1484 - 1531) écrit en 1516 à l'évêque de Constance pour lui demander la suppression de certaines pratiques qu'il considère ridicules : pour lui, il faut revenir aux usages de l'église primitive, en vigueur jusque sous Charlemagne. Il est cependant contre certaines idées de Luther, notamment concernant les sacrements (baptêmes, communion, cène, mariage...), dans lesquels il ne voit juste qu'un rappel au croyant de sa foi, et non des actes nécessaires pour que Dieu puisse agir.

Les disciples de Zwingli vont ainsi devenir les "radicaux" de la Réforme. Pour eux, il ne suffit pas de réformer l'église ancienne, il faut totalement rompre avec ses pratiques et instituer une nouvelle église, authentique, basée sur les textes sacrés uniquement. S'ils sont radicaux, ces disciples n'en sont pas moins pacifistes et vivent en marge aussi bien de la société réformée que catholique, leur objectif étant de forme un nouvel ordre social égalitaire.

Jean Calvin et la théocratie de Genève
Le français Calvin (1509 - 1564) fait partie de la génération suivant celle de Luther et de Zwingli, celle pour qui la Réforme est déjà un acquis : elle va de soi. Face à la répression catholique, certains espèrent qu'elle aboutira, mais en passant par des étapes successives et en restant provisoirement dans la clandestinité.

Mais, pour Calvin, tout dans l'homme, la société et le monde doit rappeler la gloire de Dieu. Tous les aspect de la vie du croyant doivent donc mettre en avant ses convictions, aussi bien dans son métier que dans sa famille. La foi ne peut donc s'exercer dans l'ombre en attendant une réforme complète.

Son discours connaît un certain succès à Genève, où il s'installe en 1536 et développe sa théorie. L'église de Genève, déjà largement gagnée par la Réforme, est réorganisée sous l'impulsion de Calvin. Après avoir été chassé par les autorités en 1538, il revient en 1541 et fonde la République théocratique de Genève : pasteurs, anciens, diacres et docteurs forment une nouvelle forme de gouvernement désigné par les fidèles. Les Libertins mèneront la guerre civile contre les Calvinistes jusqu'en 1555, date à laquelle ils seront exilés ou exécutés.

Cette théocratie organisée par Calvin bénéficie de toute la puissance de l'imprimerie pour diffuser ses idées en Europe et montrer qu'une Réforme complète est possible. L'Académie de Genève, fondée en 1559, propage ses œuvres en France et en Suisse romande. La Bible est traduite en français aux frais des vaudois du Piémont. La France connaît une percée importante du calvinisme : le Midi de la France et le Béarn sont les premières converties, puis l'Aquitaine, la Normandie. Faute de s'être implanté tôt et solidement dans les grandes familles du royaume, la Réforme française ne s'impose pas à tout le peuple et ouvre la voie aux guerres de religion.


* A titre d'exemple, Frédéric le Sage, électeur de Saxe, possède 17 443 reliques, censées lui épargner 128 000 années de purgatoire.




Sources :
  • Panorama de l'histoire de l'Église : un regard protestant, Jean Anderfuhren, ed. Olivétan, 2000


30/03/2011
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